Un concepteur de jeu s'est enlevé la vie cette semaine aux États-Unis. Il n'en fallait pas plus pour que certains se demandent s'il s'agit d'un métier si difficile. Après tout, lorsqu'un jeu est décevant, les premiers blâmés sont les concepteurs de jeu. Étant concepteur de jeu moi-même depuis quelques temps, est-ce le cas? A vous de juger!
Il y a quelques jours, mon collègue Carl Charest, m'a appris cette triste nouvelle. Un concepteur de jeu ayant travaillé sur Star Wars Galaxies s'est enlevé la vie dans des circonstances plutôt tristes. Ce dernier avait été accusé à maintes reprises par des joueurs d'avoir ruiné l'expérience de jeu par le biais d'une mise à jour importante, dont il n'était qu'un des auteurs. Même s'il a quitté la compagnie il y a deux ans, la communauté de joueurs a continué de s'acharner sur lui. Bien que son frère ait déclaré que son décès n'est aucunement lié à ce mauvais traitement, on ne peut que se remémorer la fin tragique d'un autre concepteur de jeu, à savoir Gunpei Yokoi, décédé il y onze ans. Cette figure légendaire de Nintendo a créé la série de jeux portables Game & Watch, la série Metroid et le Game Boy...mais aussi l'infâme Virtual Boy, qui l'a conduit à quitter Nintendo dans la honte. Bien qu'il ne se soit pas enlevé la vie, victime d'un accident de la route, la fin de sa carrière est plutôt triste.
Ceci étant dit, je crois qu'il s'agit ici d'exceptions, car pour occuper le poste de concepteur de jeu depuis maintenant 9 mois chez Beenox, je peux vous assurer qu'il s'agit d'un métier tout sauf triste. Bien entendu, j'ai de la chance, le climat de travail qui règne chez Beenox et dans bien d'autres entreprises de l'industrie est exceptionnel, pour preuve. Il n'y a pas une journée qui se passe sans que je ne me dise que je suis privilégié. Le principal objectif d'un concepteur de jeu est de divertir les gens. Je ne dois pas sauver des vies, ni mettre la mienne en danger, comme c'est le cas dans bien des métiers. Ainsi, plutôt que de pratiquer une opération à coeur ouvert ou appréhender un criminel notoire bien armé, je discute avec mes collègues des forces et faiblesses de mécaniques de jeu spécifiques, du positionnement d'éléments dans les environnements du jeu, etc. Bref, je n'accomplis rien d'essentiel au bon fonctionnement de la société. Je crois par contre pouvoir faire une petite différence, en aidant à produire des jeux qui feront sourire des gens l'espace d'un moment.
Ceci étant dit, n'allez pas croire qu'il s'agit d'un métier bien peinard dénué de toute forme de stress. Le développement d'un jeu vidéo d'envergure est un travail d'équipe où chaque individu doit relever des défis et surmonter des problèmes. A mon avis, pour durer dans cette industrie, il faut être capable de minimiser l'importance de nos créations. Bien qu'il soit plaisant de travailler sur des projets intéressants, il est encore plus important de tisser des liens avec des gens intéressants. En effet, plusieurs personnes entrent peut-être dans l'industrie du jeu vidéo pour les mauvaises raisons. Si elles espèrent réaliser le prochain World of Warcraft, ces personnes seront éventuellement déçues. Je ne veux pas dire qu'il est impossible de réaliser un tel jeu au Québec, mais bien qu'il y a plutôt chose de plus important que les projets. S'il arrive qu'un projet nous intéresse plus ou moins qu'un autre, ça n'a aucune importance, puisqu'il aura une fin. S'il est malmené par la critique, à tort et à travers, ça n'a aucune importance non plus. Certes, il est bien d'apprendre de nos erreurs, mais ce ne sont que des jeux vidéo!
Repose en paix Jeff Freeman!
par François Taddei